Tandis que le nouveau roman de Marie NDiaye, Ladivine, paru chez Gallimard en février dernier parle lui aussi de trois femmes aux prises avec le merveilleux et la pression de l'appartenance familiale, je publie enfin un article sur Trois Femmes puissantes qui valut à son auteure le prix Goncourt en 2009.
Quel est le fil d'Ariane qui nous permet de lire ces trois récits comme une unité?
Qui sont ces trois femmes "puissantes" pourtant malmenées, humiliées, voire dégradées par la narration?
Enfin, le dernier récit nous présente, dans un réalisme violent, Khady Demba, une jeune veuve sans descendance, rejetée par sa belle-famille et forcée à l'exil. Khady, dans son calvaire vers la France, sera violentée par les hommes, trahie et volée par son compagnon de route, Lamine. Cependant, la tête haute, toujours, Khady criera au monde son existence jusqu'à la fin.
« De telle sorte qu’elle avait toujours eu conscience d’être unique en tant que personne et, d’une certaine façon indémontrable mais non contestable, qu’on ne pouvait la remplacer, elle Khady Demba, exactement, quand bien même ses parents n’avaient pas voulu d’elle auprès d’eux et sa grand-mère ne l’avait recueillie que par obligation- quand bien même nul être sur terre n’avait besoin ni envie qu’elle fût là. »
La plume de Marie NDiaye, voluptueuse et tendre en surface n'en reste pas moins aiguisée et incisive, apte à dévoiler toute une profondeur introspective. Trois Femmes puissantes est une plaie béante qui invite le lecteur
à plonger au cœur de l’intime. Marie NDiaye donne une voix à ces femmes souffrantes qui endurent humiliation, violence et désillusion sans abandonner leur « inaltérable humanité ».
A travers ces trois récits, l’écrivain franco-sénégalaise nous conte l’histoire d’une épiphanie, celle de la métamorphose de femmes puissantes à qui l’on a coupé les ailes mais qui parviennent tout de même à prendre leur envol.
« C’est moi, Khady Demba, songeait-elle encore à l’instant où son crâne heurta le sol et où, les yeux grands ouverts, elle voyait planer lentement par-dessus le grillage un oiseau aux longues ailes grises_ c’est moi, Khady Demba, songea-t-elle dans l’éblouissement de cette révélation, sachant qu’elle était cet oiseau et que l’oiseau le savait. »
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